
DSM Story
Introduction
(Le rideau s’ouvre sur une scène épurée. Une chaise simple est placée au centre. À gauche, une table avec un livre volumineux, austère, marqué en lettres dorées : "DSM V". Une lumière tamisée éclaire la scène tandis qu’une voix off grave et neutre s’élève.)
Voix off :
Voici une chaise.
Ordinaire. Vide. Comme celle que l’on trouve dans tous les bureaux.
Voici un livre.
Imposant, froid, écrit par des experts, rempli de normes.
C’est le DSM V.
"Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux".
Chaque ligne, chaque mot, chaque tableau,
Un cadre à respecter, une case où entrer.
(Un projecteur éclaire lentement la chaise, laissant la table et le livre dans l’ombre.)
Que faire des émotions qui débordent ?
De la créativité qui s’égare ?
De ces personnalités qui sortent du rang,
Et que l’on appelle maintenant "troubles" ?
(Un silence pesant s’installe. Puis la lumière diminue sur la chaise, revenant vers le livre comme un jugement silencieux.)
Le DSM V, c’est un dictionnaire de la normalité.
Mais qu’est-ce que la normalité ?
Et à quel prix cherchons-nous à l’imposer ?
(Une ombre humaine apparaît dans la lumière. Un homme s’avance timidement, les épaules basses, et s’assoit sur la chaise. Il regarde autour de lui, perdu. La voix off reprend, légèrement plus douce.)
Voici l’histoire d’un homme.
Un homme comme tant d’autres.
Ni héros, ni martyr.
Un professeur qui voulait simplement faire son travail,
Et qui s’est retrouvé face à un système.
(La lumière se concentre sur lui. Le livre, désormais dans l’ombre, semble peser comme un fardeau invisible.)
Ce système qui décide.
Ce système qui enferme.
(Un bruit métallique retentit, évoquant des clés tournant dans une serrure. Le rideau tombe lentement tandis que la voix off murmure une dernière question.)
Que fait-on lorsqu’on n’entre pas dans les cases ?
(Le rideau se ferme, laissant la salle dans le noir complet. Le son d’un battement de cœur devient de plus en plus perceptible, annonçant l’acte suivant.)
Acte I : La Chute
Scène 1 : Une classe en ébullition
(La scène s’ouvre sur une salle de classe chaotique. Les tables sont en désordre, griffonnées, et un tableau blanc porte les traces d’une leçon à moitié effacée. Le professeur, un homme d’une trentaine d’années, entre avec une pile de cahiers sous le bras. Sa chemise est froissée, et son visage affiche une fatigue marquée.)
Le professeur (avec un sourire forcé) :
Bonjour à tous. Prenez vos places, sortez vos cahiers. Aujourd’hui, nous allons continuer sur… les équations du second degré.
(Les élèves ne réagissent pas immédiatement. Un brouhaha emplit la salle, des rires étouffés se font entendre au fond. Une boule de papier traverse la pièce, atterrit près des pieds du professeur. Il la ramasse sans un mot, tentant de conserver son calme.)
Le professeur (tentant de hausser la voix) :
S’il vous plaît, un peu de calme. Cela ne prendra pas longtemps si tout le monde écoute.
(Un élève du fond, visiblement le leader d’un petit groupe, éclate de rire et commence à se moquer à voix haute.)
Un élève provocateur :
Ouais, ouais, monsieur ! On va écouter ! Mais avant, vous voulez pas nous expliquer pourquoi la déléguée elle est toujours collée à vous ? C’est votre assistante ou quoi ?
(Les autres élèves éclatent de rire. La déléguée, visiblement mal à l’aise, baisse la tête. L’élève continue, devenant plus agressif.)
L’élève provocateur (s’approchant de la déléguée, sur un ton menaçant) :
Eh toi, si t’arrêtes pas de faire ta lèche-bottes, j’te saigne ! T’entends ? J’te plante direct dans le cou !
(Un silence pesant s’installe. Le professeur, choqué, fixe l’élève.)
Le professeur (calmement mais fermement, prenant un carnet pour noter) :
Stop. C’est très grave ce que tu viens de dire. Ce sont des menaces de mort, et je vais les signaler.
(Il écrit rapidement dans son carnet. L’élève reste figé, tandis que la classe chuchote nerveusement.)
Le professeur (levant les yeux et s’adressant à l’élève) :
Retourne à ta place immédiatement. On va discuter de ton comportement après le cours.
(L’élève, défiant, retourne lentement à sa place, un sourire narquois sur le visage. Les autres élèves continuent de chuchoter. Le professeur tente de reprendre le fil de son cours, mais sa voix tremble légèrement.)
Le professeur (essayant de continuer) :
Alors… euh… une équation du second degré, c’est… c’est quoi déjà ?
(La sonnerie retentit enfin, mettant fin au calvaire. Les élèves quittent la salle en trombe, laissant le professeur seul, tenant encore sa craie. Il reste immobile un instant, les épaules affaissées, avant de poser la craie et de quitter lentement la salle.)
Scène 2 : La première confrontation avec le proviseur
(La scène change. Un bureau austère, avec un bureau massif encombré de dossiers. Le proviseur est assis derrière, un homme d’une cinquantaine d’années au regard perçant. Le professeur se tient debout devant lui, visiblement mal à l’aise.)
Le proviseur (avec un sourire condescendant) :
Alors, monsieur. Encore des problèmes de discipline, à ce que je vois.
Le professeur (bafouillant) :
Oui… un élève a menacé de mort la déléguée devant toute la classe. J’ai noté ses propos. C’était violent.
Le proviseur (croisant les bras) :
Des menaces de mort, dites-vous ? Monsieur, vous dramatisez. Les jeunes parlent beaucoup. Ce sont juste des mots.
Le professeur (tentant de garder son calme) :
Non, ce n’étaient pas que des mots. C’était grave. La déléguée a été terrifiée. Ce genre de comportement doit être pris au sérieux.
Le proviseur (soupirant, plus sec) :
Votre rôle est de maintenir l’ordre, pas de vous laisser intimider par des adolescents. Peut-être devriez-vous envisager une autre carrière si cela vous dépasse.
(Le professeur reste sans voix, abasourdi par la remarque. Le proviseur le regarde, l’air impassible, puis fait un geste de la main pour l’inviter à sortir.)
Le proviseur :
Retournez en classe. Et apprenez à gérer ce genre de situation avec plus de… professionnalisme.
(Le professeur sort du bureau, visiblement accablé, et s’éloigne lentement dans le couloir vide.)
Scène 3 : La salle des professeurs
(La scène change à nouveau. Une salle de professeurs impersonnelle avec des piles de papiers et des chaises éparses. Quelques heures ont passé depuis la confrontation. Le professeur est assis seul, le regard vide, une tasse de café à moitié vide devant lui. Un collègue entre, remarque son état, et s’approche.)
Un collègue (inquiet) :
Hé, ça va ? Tu es encore là ?
(Le professeur ne répond pas, les yeux fixant la table. Le collègue s’assoit en face de lui.)
Le collègue (doucement) :
Tu veux en parler ?
Le professeur (d’une voix faible, presque murmurante) :
Il… il m’a dit que je dramatisais. Que je ne savais pas gérer de futiles menaces de mort.
(Le professeur commence à trembler légèrement, ses mains serrant la tasse.)
Le collègue (choqué) :
Le proviseur ? Il t’a dit ça ?
(Un autre collègue entre, remarque l’échange, et s’approche.)
Un collègue 2 (en observant le professeur) :
Il a l’air mal…
(Le professeur se lève soudainement, son visage pâle, et commence à parler rapidement, d’un ton désespéré.)
Le professeur (dans un élan émotionnel) :
Ma mère… elle était comme ça aussi. Toujours accusée. Toujours jugée. Elle était bipolaire, vous savez. Et moi, je… je crois que je suis pareil. Je ressens tout trop fort. C’est comme si ma tête allait exploser.
(Le professeur s’effondre sur une chaise, tenant sa tête entre ses mains. Les collègues échangent des regards alarmés.)
Un collègue 2 (à voix basse, au premier collègue) :
Il faut appeler quelqu’un. Il a besoin d’aide.
(Le premier collègue acquiesce et quitte la pièce. Quelques instants plus tard, le proviseur entre, son visage fermé.)
Le proviseur (d’un ton glacial) :
Encore des problèmes, monsieur ? Vous ne pouvez pas gérer vos émotions, et maintenant, vous effrayez vos collègues ?
(Le professeur ne répond pas, les larmes aux yeux. Le proviseur soupire et sort son téléphone.)
Le proviseur (au téléphone) :
Oui, ici le proviseur. Nous avons un enseignant en détresse. Envoyez une équipe d’urgence immédiatement.
(Le rideau tombe lentement sur cette scène, tandis que les murmures des collègues et les sirènes au loin emplissent l’espace.)
Acte II : L’Hospitalisation
Scène 1 : L’arrivée à l’hôpital
(Le décor dévoile une chambre blanche, presque aseptisée. Un lit médical, équipé de sangles, se trouve au centre. Deux infirmiers accompagnent le professeur, visiblement troublé, qui résiste faiblement. Le psychiatre entre, tenant un dossier volumineux.)
Le Psy :
Voilà mon opinion :
Prenez des cachetons !
L’hypomanie est une maladie.
Pour preuve, c’est écrit
Dans ce manuscrit DSM.
Cinq fois que j’l’lis,
Le cynisme est proscrit.
Vous semblez un peu blême…
Vous n’êtes pas dans les normes.
Faut recouvrer la forme !
On vous prend la tension ?
Ou piqûre dans le croupion ?
Le Professeur :
Je vous en supplie… je vais bien.
Je ne suis pas un danger pour moi-même, ni pour les autres.
Pourquoi m’enfermer ?
(Le psychiatre l’ignore ostensiblement, se tournant vers un collègue qui l’accompagne.)
Le Psy (à son collègue) :
Il n’aime pas les médocs.
Puis il a peur des docs.
Il veut pas qu’on le touche.
Et parle vite, je trouve ça louche.
Pathologie du déni :
Voudrait rentrer chez lui.
(Le professeur baisse la tête, démuni. Le psychiatre, en retrait, se parle à lui-même en observant son patient.)
Le Psy (à lui-même) :
L’est doux comme l’agneau.
Doit se contenir, ce salaud !
Paraît clair, a de l’esprit.
Malgré ses airs, j’me méfie.
S’il est là, l’a dû être dingue.
Dans ce service, faudrait un flingue…
La dernière fois qu’un de ces fêlés
A eu l’audace de me charmer,
La main, j’lui ai tendue.
Pour m’remercier, il m’a mordu.
(Les infirmiers attachent méthodiquement le professeur au lit. Celui-ci lutte un instant, mais finit par abandonner, épuisé par ses émotions.)
Le Psy (au patient, entouré d’infirmiers) :
Vous comprenez qu’c’est pas normal
D’pas accepter l’ordre médical.
On n’a pas le choix, sécurité.
On va devoir vous attacher.
(Un des infirmiers, touché par la situation, murmure pour lui-même en ajustant les sangles.)
Infirmier 1 (à lui-même) :
Pas l’air méchant, c’prof de trente ans.
Ça m’fait d’la peine de l’ligoter.
Le psy a parlé. J’dois la boucler.
J’demande pourtant : qui est le dément ?
(Un autre infirmier, voyant le professeur calmer ses sanglots, s’approche discrètement.)
Infirmier 2 (au professeur, voix basse) :
Ma p’tite amie, elle est bipolaire.
Pas si dérangée, c’est d’un navrant.
L’usine qui broie les sentiments,
J’les fais hurler et manquer d’air…
Le Professeur (calmement, au même infirmier) :
Ce n’est pas de votre faute.
Mais de ces apôtres
Du Dieu Statistique,
Dont ils se font toute une éthique.
Je ne crierai pas.
Je resterai calme.
Je ne veux pas donner une arme.
J’sais que l’on se "fou(t)" de moi.
(L’infirmier hoche la tête, visiblement ému, et sort de la pièce. Le professeur reste seul un moment, attaché, jusqu’à ce que la scène s’obscurcisse pour marquer la transition.)
Scène 2 : L’arrivée de la compagne
(La compagne du professeur entre précipitamment, visiblement bouleversée. Elle découvre son compagnon pieds et poings liés, les bras écartés comme un crucifié.)
La Compagne :
Mon chéri, ça va aller.
Je vais m’occuper de toi.
Tu ne resteras pas aux abois.
Comment t’aider, mon bébé ?
Le Professeur :
S’il te plaît, sors-moi de là !
Où j’deviendrai "coucou".
Je veux rentrer chez nous.
Promets qu’aucun papier tu ne signeras !
(La compagne lui caresse le visage avec tendresse, les larmes aux yeux.)
La Compagne :
Je te l’promets, mon amour.
(Elle se tourne vers l’équipe médicale et engage une conversation tendue avec eux.)
La Compagne (déterminée, parlant à l’équipe médicale) :
Je lui ai promis de ne pas signer.
Vous n’avez pas le droit de l’enfermer contre son gré.
Sachez qu’il est lucide, il sait ce qu’il dit.
Psy 1 :
Madame, écoutez-moi bien. Sans hospitalisation,
Il pourrait sombrer dans une dépression sévère.
Vous prenez le risque d’un suicide.
Sur le cerveau, il peut y avoir des dégâts irréversibles.
Psy 2 :
Vous n’avez pas idée de la gravité de son état.
Des patients comme lui, j’en ai vu des centaines.
Il leur faut des médicaments pour éviter le pire.
La Compagne :
Mais il n’a rien fait de mal ! Il est simplement… fragile.
Psy 1 :
Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre qu’il agisse contre lui-même.
La Compagne :
Fragile ne veut pas dire dangereux. Il n’est pas une menace pour qui que ce soit.
L’équipe médicale (insistant, presque en chœur) :
C’est notre métier. Vous ne comprenez pas les enjeux.
La Compagne :
Et l’avoir attaché ? Pourquoi l’humilier de cette manière ?
Psy 2 :
Par sécurité, madame. Cela fait partie du protocole.
La Compagne (en larmes, confuse) :
Mais c’est mon bébé… Il ne mérite pas ça.
L’équipe médicale :
Nous sommes désolés, mais c’est nécessaire pour le soigner correctement.
(La compagne hésite, tremblante, tandis que les médecins continuent de parler calmement mais avec insistance.)
Psy 1 :
Nous comprenons que c’est difficile, mais c’est pour son bien.
Pensez à ce que vous risqueriez si vous refusiez :
Et s’il faisait une tentative ? Et si son état s’aggravait ?
(Elle regarde son compagnon, endormi et attaché. Ses mains tremblent.)
La Compagne :
Mais il m’a fait promettre de ne pas signer…
Psy 2 :
Un jour, il vous remerciera. Mais pour cela, il faut qu’il vive.
(Sous la pression intense, la compagne cède finalement. Elle prend le stylo, les larmes aux yeux, et signe le formulaire.)
La Compagne (désespérée) :
Suicide, dégâts irréversibles…
Ils avaient l’air si convaincus.
Je signe, ma promesse reniée.
Puisse-t-il me pardonner…
(Elle pose le stylo, comme si elle venait de commettre une trahison irréparable. Elle regarde son compagnon une dernière fois, alors que les médecins récupèrent les documents.)
La Compagne (doucement, presque pour elle-même) :
Laissez-moi encore lui parler… J’veux pas partir comme ça.
(Elle s’approche doucement, mais son compagnon est profondément endormi, inconscient sous l’effet des sédatifs. Elle murmure, dévastée.)
La Compagne :
Ciel… qu’est-ce que j’ai fait ?
(Le rideau tombe lentement, laissant la scène dans l’obscurité. Seul le son de ses pleurs persiste un instant avant de s’éteindre.)
Acte III : La Descente
Scène 1 : L’humiliation
(Le décor est une chambre d’hôpital froide et impersonnelle. Le professeur est allongé sur le lit, pieds et poings attachés. Une lumière blafarde éclaire la pièce. Une infirmière entre avec un récipient en plastique.)
L’Infirmière :
On vous a donné à boire tout à l’heure.
(Elle pose un récipient sur une petite table à côté du lit.)
Voici un "pistolet". Vous pouvez vous soulager avec ça. Je repasserai plus tard.
(L’infirmière sort sans un mot. Le professeur la fixe, incrédule, et tente de bouger ses bras, mais les sangles l’en empêchent. Il murmure pour lui-même.)
Le Professeur (amer, à lui-même) :
Ils m’ont donné à boire,
Petit bémol au désespoir.
Mais maintenant, je veux pisser.
M’ont apporté un "pistolet".
Moi, j’trouve ça dégradant.
Et j’veux juste pisser debout.
Ils savent soigner leurs fous.
Pour les briser, ont du talent !
(Il se débat pour atteindre le récipient, mais ses efforts sont vains. Il finit par se résigner à uriner par terre, tremblant de frustration et de honte.)
Le Professeur (rouge de honte, doucement) :
Voilà, j’me retrouve comme un cochon
Devant cette jolie infirmière…
(L’infirmière revient peu après. Elle voit la scène, soupire, et commence à nettoyer sans lui adresser un mot. Son expression est froide et distante.)
L’Infirmière (d’un ton méprisant) :
C’est inadmissible. Vous pourriez faire un effort.
(Elle sort, laissant le professeur seul, mortifié. La lumière diminue lentement, plongeant la scène dans une ombre oppressante.)
Scène 2 : La crise
(Le décor reste identique. Le professeur commence à ressentir les effets d’un puissant sédatif administré plus tôt. Sa bouche devient pâteuse, sa langue semble enfler. Il panique, essayant de parler, mais n’émet que des borborygmes.)
Le Professeur (haletant, à lui-même) :
Ma bouche se remplit de cendres,
Elle devient sèche et pâteuse.
J’appelle à l’aide, plus rien.
Ils m’ont laissé dans mon coin.
Jusqu’où vont-ils me punir ?
Aidez-moi ou je vais mourir !
J’peux plus respirer… Est-ce que je vais crever ?
(Il tente de hurler, mais seul un gémissement étouffé sort de sa gorge. Il lutte pour respirer, les yeux écarquillés, puis s’évanouit dans un silence glaçant.)
Scène 3 : Le réveil
(La lumière revient progressivement. Le décor a changé : le professeur se trouve dans une nouvelle chambre, toujours froide et impersonnelle. Il ouvre lentement les yeux, visiblement désorienté.)
Le Professeur (faiblement, à lui-même) :
J’suis vivant… Mais chez les frappés.
(Il regarde autour de lui. Une infirmière entre brièvement, sans lui adresser un mot, puis quitte la pièce. Le professeur reste seul, fixant le plafond, son esprit oscillant entre colère et résignation.)
Scène 4 : Quelques mois plus tard
(Une scène vide, éclairée faiblement. Le professeur, debout au centre, s’adresse directement au public.)
Le Professeur (amèrement) :
J’suis sorti deux jours plus tard,
Pas un hôpital, mais un mitard.
Y avait des fous bien enragés,
Certains bavaient, menaçaient d’tuer.
Pas pris de médicaments,
Pas jugé assez dément.
Puis ils m’ont libéré
Quand on a parlé de procès.
Pas complété leurs rapports,
Pas avoué c’qu’ils ont fait de mon sort.
Je n’ai jamais été attaché.
Ils ne m’ont jamais humilié…
(ironique) C’est ce qu’ils diront si on leur demande.
Terrifié et rempli de haine,
De cette terrible déveine,
Perdu confiance en l’humanité,
Tics et tocs d’un traumatisé.
Merci pour les soins.
Gloire aux gentils médecins,
Qui ne font pas une affaire
Des âmes qu’ils ont enfouies sous terre.
(Il s’incline légèrement, presque mécaniquement, puis quitte la scène. Le rideau tombe lentement.)
Conclusion
(Le rideau se lève à nouveau. Une voix off retentit, grave et posée. La scène est vide, sauf un exemplaire du DSM V posé sur une table éclairée par une lumière tamisée.)
Voix off :
Le DSM V, ce manuel froid et autoritaire, classe, étiquette, et enferme.
Les hommes qui y ont été diagnostiqués en ressortent rarement intacts.
Cette histoire est celle d’un homme. Une parmi tant d’autres.
Merci de l’avoir écoutée.
(La lumière diminue jusqu’à l’obscurité totale. Fin.)
Fin de la pièce.
